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Vue de la Samaritaine

 

   Dans les journées qui précédèrent et suivirent immédiatement le transfert à Bordeaux du Gouvernement, on voit la population parisienne se partager entre ceux  qui émigrent en province et ceux qui entendent rester dans la capitale, quoi qu'il arrive. Les uns et les autres ont d'excellentes raisons ; les premiers disent qu'avec la barbarie allemande, tout pouvait arriver et qu'en cas de siège, des non-combattants (femmes et enfants) seront autant de bouches inutiles. Les seconds répliquent que la place des Parisiens est à Paris, que jamais Paris ne sera pris, et que d'ailleurs l'exemple de Bruxelles démontre que l'on est plus à l'abri des horreurs de la guerre dans une très grande ville que partout ailleurs...

 
 

     Le président du Conseil Municipal, Mr Adrien Mithouard publie la note suivante répondant également au sentiment du Gouverneur militaire :

 

     Assurément Paris est un camp retranché où il importe de ne pas garder de bouches inutiles, et je donne le conseil à tous ceux qui ont en province des parents ou amis d'y envoyer leurs femmes et leurs enfants.

 

Quels que soient les efforts que l'on fasse pour assurer le ravitaillement, il est évident qu'un investissement représente des privations de toute nature. Il est bien inutile de faire passer des femmes et des enfants par cette épreuve, si nous devons jamais la subir. 

 

Ne nous affolons pas, prenons des partis raisonnables; il est raisonnable d'envoyer en province ceux et celles que leur devoir ne retient pas ici.

 

     C'est le bon sens même et beaucoup de Parisiens, tout en demeurant, eux, à Paris, suivent l'avis de Mr Adrien Mithouard pour les êtres qui leur sont chers.

 
 

 

     En dehors des réfugiés de la Belgique et du Nord de la France qui continuent à affluer à la gare du Nord, on voit alors dans les rues de Paris des cortèges douloureusement pittoresques de paysans venant de cinquante kilomètres à la ronde pour fuir le front Ouest et Nord de la capitale. Charrettes, camions, carrioles de toute espèce, trainés par des chevaux trop étiques pour avoir été réquisitionnés par l'autorité militaire, passent sans relâche, emportant femmes et enfants blottis peureusement les uns contre les autres.

 

 

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Exode Belge

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     L'exode des Parisiens se poursuit...

    Pour aller aux gares, fiacres et taxi-autos encore en circulation ne pouvent suffire. C'est ainsi que de braves ouvriers sans travail renouvèlent les pousse-pousses tonkinois de l'Exposition Universelle de 1889 pour 3 à 5 francs la course selon la distance et le chargement. L'affluence est telle que les Compagnies de Chemins de fer ne délivrent chaque jour qu'une quantité de billets correspondant aux places disponibles. Ceci obligeant le public à l'attente d'un bon de transport pendant des heures, parfois toute une journée ou toute une nuit.

 

 

Gares Montparnasse et St Lazarre


 

 

     Le Général Gallieni organise également des trains gratuits pour évacuer la ville vers la province.
     Il faut s'empiler dans les voitures de voyageurs pêle-mêle avec les bagages. De plus, les convois font de fréquents arrêts pour laisser le passage aux trains militaires qui jouissent naturellement d'un droit de priorité.

 

 

Depart des trains pour la province 

 

 

     L'exode des Parisiens se poursuit...

     Pour aller aux gares, fiacres et taxi-autos encore en circulation ne pouvent suffire. C'est ainsi que de braves ouvriers sans travail renouvèlent les pousse-pousses tonkinois de l'Exposition Universelle de 1889 pour 3 à 5 francs la course selon la distance et le chargement. L'affluence est telle que les Compagnies de Chemins de fer ne délivrent chaque jour qu'une quantité de billets correspondant aux places disponibles. Ceci obligeant le public à l'attente d'un bon de transport pendant des heures, parfois toute une journée ou toute une nuit.

    Les personnes les plus aisées louent quant à elles des automobiles et rejoignent les nombreuses charrettes encombrant les routes partant de Paris vers l'Ouest. Dans l'impatience de quitter la capitale et n'ayant pas la bourse assez remplie pour louer une auto, certaines familles prennent même le parti héroïque de s'en aller à pied...

     Pour ceux qui se rendent chez des parents ou des amis, les choses finissent par s'arranger, pour les autres il faut trouver une place à l'hôtel ou au restaurant dont les prix ne cessent d'augmenter face à la demande ! L'affluence est si considérable dans certains pays que les autorités locales doivent intervenir pour enrayer l'exode. Le Préfet du Calvados avise officiellement la Préfecture de Police qu'il est inutile de chercher un gîte à Caen.

     Un recensement ordonné par le Préfet de la Seine apprend qu'il était resté à Paris 2 006 086 habitants représentant 887 267 ménages. Or, le précédent recensement quinquennal de 1911, révélait l'existence de 2 833 351 habitants et 1 123 634 ménages. Au total, comme diminution, 826 565 habitants et 236 357 ménages. Si l'on déduit du premier de ces chiffres 250 000 mobilisés, 20 000 engagés volontaires et environ 50 000 Allemands ou Autrichiens ayant quittés la France, on doit conclure qu'en cinq jours, 506 565 personnes ont quitté Paris. La vérité est supérieure car depuis le recensement de 1911, la population normale a dû s'accroître de 75 000 habitants. Les départs monteraient donc à 506 565 + 75 000 = 581 565.

     Jamais Paris ne fut plus tranquille qu'à cette période et tous ceux qui restent font preuve d'un courage, d'une résignation et d'une confiance admirables. L'institut de France continue impassiblement à tenir ses séances. L'Académie Française poursuit la préparation du dictionnaire. A l'Académie des Sciences, le 8 septembre, Mr Infroit parle de la radiographie des blessures et Mr Bigoudan d'une étoile retrouvée depuis peu à l'Observatoire de Sofia. A l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le 11 septembre, Mr Edouard Chavanne entretient ses collègues des objets d'art de l'époque des Hans, et Mr Salomon Reinach d'une nouvelle version de la légende du sacrifice d'Iphigénie... D'une façon générale, les présences aux cinq séances des Académies sont supérieures à la moyenne de cette époque de l'année.

 

 

Cardinal Amette

 

 

     Dans le clergé, les prêtres non mobilisés, restent à leur poste, s'efforçant de réconforter les fidèles et de soulager les misères morales et physiques. Le Cardinal Amette, obligé de se rendre à Rome pour les funérailles de Pie X et l'élection de son successeur, Benoit XV, rentre en hâte et déclare à un journaliste :

 


"Je suis revenu près de mes chers diocésains pour ne plus les quitter. Ensemble nous vivrons les bons et les mauvais jours, jusqu'au moment que Dieu voudra bien fixer pour le triomphe de notre France bien-aimée. Et que tous soient comme moi, qu'ils aient confiance."

 

 

Discours du Cardinal Amette en Septembre 1914

 

 

     Tous les membres non mobilisés du Conseil Municipal signent également une déclaration annonçant qu'ils ne quitteront Paris dans aucun cas et les membres du Conseil Général de la Seine agissent de même pour la banlieue. Attitude d'autant plus méritoire que l'administration se trouvant entièrement dans les mains du Général Galliéni, les membres du Conseil Municipal n'ont donc aucun mandat officiel à remplir.

 

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